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Le management coréen à bout de nerfs

Une agression verbale suivie d’un verre d’eau jeté au visage d’un prestataire par la fille héritière de Korean Air relance le débat national sur des pratiques managériales que la Corée ne souhaite plus voir.

Cho Hyun-ah et Cho Hyun-min. L’ainée et la cadette (© Yonhap).

Courant mars lors d’une réunion, la fille cadette héritière de Korean Air perd ses moyens ; de colère elle jette au visage du directeur d’une agence de publicité, un verre d’eau. Par ce geste CHO Hyun-min conforte la piteuse image du groupe pour ses pratiques managériales. Il y a quatre ans sa sœur ainée, CHO Hyun-ah a fait les gros titres après un incident sur un vol en première classe New-York / Séoul. L’héritière après que le steward lui ait servi des noix de macadamia dans son sachet d’origine et non dans un bol comme le veut la procédure, s’est emportée. Les excuses du steward obligé de se mettre à genoux face contre terre pour demander pardon n’ont pas suffit à calmer l’irascible héritière. Non contente des excuses, elle demande au pilote dont l’avion se dirige vers la piste d’envol de revenir à la porte d’embarquement pour débarquer le steward jugé incompétent et dangereux. C’est le tollé en Corée du Sud. Pour cet acte elle écopera d’un an de prison. Aujourd’hui c’est sa sœur cadette qui est à l’origine du scandale avec des pratiques équivalentes.

Il n’est pas rare de rencontrer des expatriés travaillant avec des Coréens qui rapportent des scènes irréelles où des managers coréens laissent libre cours à de terribles colères. Ainsi Eric Surdej après un passage de dix ans chez LG témoigne dans son livre « Ils sont fous ces Coréens » chez Calmann-lévy de la pression permanente qui pèse sur le management si les résultats ne sont pas atteints : « Pendu au téléphone, pressant ses employés, les menaçant, les insultant parfois, (…). On conçoit que ce stress permanent conduise parfois à l’explosion ; coup de colère, insulte à l’interlocuteur, portes claquées, objets jetés par terre – ou un livre à la tête d’un pauvre cadre ! ». Marqué par cette violence managériale, l’auteur en fait même le thème du prologue de son témoignage. A sa prise de fonction, il est témoin involontaire dans le bureau qui jouxte le sien d’une discussion entre le président coréen et un de ses cadres qui de minute en minute devient de plus en plus virulente. Les hurlements se ponctuent par un rapport lancé violemment contre la cloison du bureau. L’incident terminé quand il s’émeut auprès des assistantes de ce qu’il a entendu personne ne s’en étonne. C’est un comportement normal.

Pourtant ce comportement n’est plus si normal que ça. Si effectivement à l’origine les structures managériales des entreprises coréennes sont composées d’anciens officiers de l’armée apportant avec eux son lot de brimades et de comportements autoritaires, les choses changent avec l’avènement de la démocratie en Corée du Sud. Ce changement de culture managériale s’accélère au début des années deux mille. Les entreprises parties à la conquête du monde développent un mix management qui leur est propre intégrant des éléments des cultures managériales américaines et japonaises. Quinze ans après, c’est l’effervescence des start-ups qui réinventent le rapport au travail et le besoin d’un management qui fait fi du passé.

De nos jours, un manager qui perd toute retenue pour s’en prendre de façon agressive à un collaborateur est considéré en situation d’échec. Il y a même un néologisme qui a été formé pour décrire ce genre de situation : gapjil (갑질). C’est l’attitude négative d’un supérieur hiérarchique vis à vis d’un inférieur, collaborateur ou prestataire. 97% des employés coréens déclarent avoir été témoin d’un gapjil, et 90% déclarent en avoir été victime au moins une fois dans leur carrière soit à l’intérieur de l’entreprise, soit à l’extérieur du fait des clients pour un tiers des victimes. Au delà de la simple humiliation, ces violentes altercations ont une incidence sur la santé des salariés. On peut citer comme troubles les plus fréquents : ulcère (62,4%), migraine (56,2%), insomnie (37,3%), perte d’appétit (26,6%), perte de cheveux (18,4%).

Quand c’est un membre de la famille d’un chaebol qui perd ses moyens, la colère du cadre supérieur devient un sujet de société et relance le débat sur ces déviances autoritaires et humiliantes. M&M, Korean Air, Monggo Food ont fait ainsi les gros titres de la presse. Les rapports aux fournisseurs sont aussi pointés du doigt. Car au-delà de la remontrance violente il y a aussi une pression sur les prix pour un fournisseur ou même sur le salaire pour un salarié. L’hôpital de la prestigieuse Seoul National University a vu se cristalliser l’opprobre sociale sur son mode de rémunération des infirmières nouvellement diplômées payées bien en-dessous du minimum légal pour cause de période d’essai ; 1800 Won (1,4€/h) par heure de travail au lieu de 6470 Won (4,9€/h), minimum légal. 1200 infirmières ont bénéficié.

Après chaque scandale, l’image des entreprises en pâtit et la législation se renforce. N° vert, médiateur, enquête public d’envergure partent à la chasse d’un comportement jugé d’un autre temps par la société coréenne. Ce dernier cas montre qu’une politique de prévention auprès des victimes et la pénalisation de ces dérives portent ses fruits. La fille cadette héritière est sous le coup d’une enquête et les perquisitions à la fois dans les bureaux de Korean Air Lines et à l’agence de publicité pour clarifier la situation sont annonciateurs de poursuites judiciaires.

Aux origines du management coréen : le paternalisme

Le paternalisme est un élément structurant du modèle de management coréen. Pourtant les expressions de ce paternalisme sont souvent mal vécues par les expatriés ou mal comprises par les équipes internationales amenées à travailler avec des Coréens. Il est donc essentiel pour tous de comprendre les origines de ce paternalisme dans le modèle de management coréen afin d’adapter aux mieux ses méthodes de travail et ses modes de communication.

La Corée du Sud est réputée pour avoir un management très autoritaire, parfois même jugé comme brutal.  De fait les équipes françaises qui travaillent avec des Coréens sont souvent très étonnées par ce mode de fonctionnement et les blocages qui semblent apparaitre au moindre problème qui nécessite une décision et donc une adaptation. En Corée, la culture du sous-groupe est très forte. Le corollaire de cette organisation sociale est le respect des figures d’autorité  (enseignant, supérieur hiérarchique etc …); figure d’autorité qui a la responsabilité de la survie du groupe dans le pire des cas ou d’en assurer le bien être dans le meilleur des cas. Au delà d’une structure patriarcale classique, cette organisation sociale prend ses racines dans trois phénomènes :

La communauté villageoise. La culture du riz nécessite un travail collectif et rassemble toute la famille, chacun dépendant des autres. De cette organisation du travail a découlé une organisation sociale. Ainsi les communautés villageoises se constituent à partir d’une seule famille. Il y a donc une adéquation entre communauté de sang et communauté villageoise. Néanmoins les figures dominantes du village étaient amenées à voyager à l’extérieur et sont devenues au fil du temps les représentants de l’Etat. En effet l’Etat était incapable d’assurer son pouvoir sur les villages, il déléguait cette mission à des fonctionnaires issus de cette communauté de sang. Il y a donc une communauté de lignée qui s’est transformée en communauté de classe, les yangban (양반), fonctionnaires recrutés sur concours. Ces yangban jouaient le rôle d’agent entre l’Etat et les communautés villageoises. Très tôt dans l’histoire de la péninsule, il y a donc affermissement d’une figure d’autorité, lien entre le village et le monde extérieur; figure d’autorité respectée et écoutée car représentant de l’Etat.

Confucianisme. La Corée a découvert le confucianisme en même temps que le bouddhisme et le taoïsme. La péninsule en a donc une approche hybride qui est exploratoire au début mais verra son apogée avec le confucianisme du chinois Zhu Xi. Mille cinq cent ans après Confucius, Zhu Xi (朱熹) se propose d’intégrer l’ensemble de la pensée chinoise, à travers les commentaires d’une dizaine de livres, à la vision confucéenne du monde. La Corée s’appropriera très vite le travail de Zhu Xi et ses propres penseurs continueront le travail initié en Chine. Dès l’introduction du confucianisme, la Corée intègre en même temps des éléments mystique (taoïsme), spirituel (bouddhisme) que les penseurs mixent avec l’éthique sociale confucéenne. Cela fait émerger un confucianisme propre à la péninsule et explique l’appétence des Coréens pour la pensée de Zhu Xi. Au quatorzième siècle, les premiers rois de Joseon s’appuient sur les valeurs du confucianisme pour imposer un ordre moral sur la société et donc légitimer leur récente prise de pouvoir.

Dans la morale confucéenne, en lui donnant naissance et en l’élevant, les parents fournissent des bienfaits que l’enfant ne sera jamais en mesure de rendre ; cette dette inextinguible lui impose une piété filiale exemplaire qui se traduit par l’obéissance au père, même adulte, et des devoirs de reconnaissance.

Immortalité. La tradition issue de l’Empereur jaune (Chine) est associée à la quête d’immortalité. Cette quête peut être de l’ordre de l’alchimique mais aussi sociale par le rite aux ancêtres. La piété filiale est une des vertus qui marquera le plus la pensée coréenne. Comme le relève Francis Macouin[1]La Corée du Choson, Les Belles Lettres 2009, le garçon est le futur célébrant des rites au ancêtres. Les ancêtres sont perçus comme des esprits résidant dans le monde des morts et susceptibles d’assurer une médiation avec les puissances surnaturelles, mais en même temps ils maintiennent un lien organique avec leur descendance. Le fils se doit d’engendrer une descendance pour perpétuer le culte aux ancêtres donc la survie des parents.

Cette combinaison : figure d’autorité, rôle protecteur des parents, devoirs des enfants en retour sont le ferment du paternalisme coréen.

Un modèle de management hybride
Kim Hyun-seok de la division TC de Samsung

Ainsi dans l’entreprise, la structure organisationnelle ne fait que reproduire le comportement social. Les valeurs et pratiques associées sont le respect stricte de la hiérarchie et des figures d’autorité (le chef a toujours raison dans tous les cas), l’entraide et la solidarité en cas de coup dur ; coup dur professionnel (le manager n’hésite pas à relever les manches pour aider ses équipes en cas de surcharge de travail) ou personnel (il y a une certaine tolérance pour laisser le collaborateur gérer des situations d’ordre privé pendant son temps de travail).

Ces spécificités dont plus particulièrement le respect de l’autorité et le collectif sont des traits que l’on retrouve dans les cultures d’entreprises chinoises et japonaises. Le collectif écarte le traitement individuel au profit d’un traitement collectif de l’équipe. Une prime ne sera par exemple jamais individualisée mais collective. Le leadership est l’apanage du chef. Donc les négociateurs sont dépendants du siège et de leur hiérarchie et au final, ils ont très peu de marge de manœuvre. Pourtant la stratégie est élaborée par le middle management mais doit être validée par le top management avant sa mise en œuvre. Les décisions impliquent donc à la fois les managers qui élaborent et les dirigeants qui valident.

Mais le modèle de management coréen reste assez hybride. Fortement impacté par le confucianisme pour les PME, il sait être très innovant parfois[2]Le management coréen innove. Pour les grands groupes, il s’inspire beaucoup des modèles managériaux américains et japonais.

Travailler efficacement avec des Coréens

Afin de travailler efficacement dans un milieu professionnel coréen et éviter les écueils des différences culturelles, il faut assimiler cette vision paternaliste du management. Il y a quelques règles de bases à respecter :

  • Apprendre le coréen (un minimum),
  • respecter les rites (politesse, respect des ainés, du chef),
  • accepter que le chef ait toujours raison,
  • jouer collectif et s’appuyer sur les dynamiques de groupe,
  • travailler dur sans lésiner sur ses efforts,
  • communiquer de façon explicite sans être impoli (la sincérité est une sincérité d’acte et non de parole), humilité et bienveillance.

La relation personnelle se construit en dehors du temps de travail au cours de repas, beuveries, barbecues, vacances. Il faut donc prévoir d’y consacrer du temps et ne pas le prendre comme une contrainte mais comme un plaisir. Les Coréens sont très sensibles à la communication non verbale.

Notes

Notes
1 La Corée du Choson, Les Belles Lettres 2009
2 Le management coréen innove

Réussir une réunion au Japon

Vous êtes en poste depuis un mois. Cette semaine, votre première réunion avec l’équipe japonaise est programmée. Vous devez faire un point d’étape et en traiter d’autres qui nécessitent une action dans la semaine. Une chance pour vous, votre collègue en poste à Yokohama depuis vingt ans vous donne quelques conseils qui compléteront votre connaissance de la culture japonaise.

L’ordre du jour

L’ordre du jour est préparé finement et communiqué à tous les participants dans un délai raisonnable pour qu’ils puissent réagir ; dans tous les cas ni le jour même, ni la veille. L’ordre du jour sera strictement respecté ; les imprévus, pour ne pas dire les surprises, sont peu appréciés.

Nemawashi (根回し)

Litténemawashiralement, c’est l’action de libérer les racines d’une plante avant de la rempoter, par extension Nemawashi qualifie la discussion qui se déroule derrière un rideau, dans les coulisses à l’abri des regards. C’est un élément essentiel de la culture de groupe au Japon et surtout en entreprise. On ne vient pas en réunion avec un sujet qui demande une décision ferme ; vos interlocuteurs apprécieront peu le procédé, se sentant d’une certaine façon pris en otage. De même exprimer une opinion tranchée ou une critique lors de la réunion mettra mal à l’aise vos interlocuteurs. Sans aller jusqu’à leur faire perdre la face, vous perdrez en respectabilité et ils prendront une certaine distance avec vous.

Les décisions se prennent avant la réunion, cette dernière ne servant qu’à officialiser lesdites décisions. Lors de discussions préliminaires, en tête à tête ou en petit groupe, le projet est présenté, les objections traitées et résolues, les contre-propositions intégrées pour au final s’assurer de l’accord de chacun des participants avant la réunion. Ces consultations préliminaires se font très souvent de façon informelle lors d’un échange téléphonique opportun, d’une rencontre dans l’ascenseur ou d’un déplacement en taxi. Le feu vert gagné avec l’un vous servira dans l’argumentaire pour en convaincre un autre. Il est ainsi très important de sélectionner avec minutie les personne avec qui vous échangez dans un premier temps.

Le jour de la réunion, le projet rencontre un consensus partagé et la décision n’est qu’une formalité.

Si le consensus n’est pas acquis, le sujet ne sera pas traité en réunion et remis à plus tard. L’absence d’un sujet dans un ordre du jour est révélateur; le projet est voué à l’oubli. Mais si des nouvelles opportunités se présentent, le processus de consultation reprendra. Attention sans évolution notable de la situation, il faut écarter l’idée de remettre ce sujet à l’ordre du jour d’une future réunion.

Prise de parole

Ne coupez jamais la parole de vos interlocuteurs lorsqu’ils s’expriment. Laissez les terminer avant de réagir. C’est souvent un des points les plus difficiles à respecter pour un manager français. La culture française valorise des échanges à bâtons rompus. Les interviews des journalistes politiques français TV et radio sont révélatrices de cette culture. Les journalistes coupant fréquemment leurs invités et les pressant de questions, l’invité éprouve souvent des difficultés à construire un discours cohérent et compréhensible. En tant que Français, il faut donc se restreindre à ne pas interrompre vos interlocuteurs et à attendre patiemment la fin de l’intervention avant de réagir.

De même lorsque vous posez une question, votre interlocuteur prendra un petit laps de temps avant de vous répondre. Ce qui est, là aussi, déroutant où dans notre culture nous avons l’habitude de répondre du tac au tac. Il est donc inutile de le presser de questions du fait qu’il tarde à répondre.

A contrario de la France où le silence met mal à l’aise, au Japon le silence est valorisé plus que la prise de parole.

Les Occidentaux ont pour réputation d’être peu fiable et de ne pas respecter leur parole. Bannissez le conditionnel de votre rhétorique et surtout respectez vos engagements.

Deux erreurs grossières

La première erreur que font les cadres fraîchement arrivés dans l’archipel lorsqu’ils participent à des réunions est de passer outre le Nemawashi en arrivant en réunion avec des problèmes à traiter et demandant des décisions immédiates sous couvert d’efficacité ou par manque de temps. La seconde erreur est de couper systématiquement la parole des participants lors des échanges; c’est à la fois très impoli et interdit à vos interlocuteurs de développer leur discours, discours qui a été mûrement réfléchi.

Bien sur, ces quelques conseils, s’ils vous seront utiles, ne vous affranchiront pas des gestes élémentaires de politesse comme par exemple arriver à l’heure si ce n’est en avance.

En Corée du Sud, l’esprit start-up est-il compatible avec Confucius ?

Depuis la crise économique de 2008, la Corée du Sud n’arrive pas à relancer son économie. Les dernières difficultés des chantiers navals menacent de mettre le pays à genou. Afin d’éviter le pire, le pays tente de se réformer et d’investir dans des jeunes pousses pleines d’espoir.

Si en 1997, la Corée du Sud avait su rebondir lors la crise financière asiatique en investissant massivement dans les nouvelles technologies, aujourd’hui le pays se trouve au bord du gouffre. Avec une économie atone depuis 2008, des chaebols qui se font tirer l’oreille car ils n’embauchent plus, le pays va mal. Dernier coup dur, la crise traversée par les chantiers navals risquent de plonger le pays dans la récession.

Chaque année les universités déversent sur le marché du travail 630 000 nouveaux diplômés. Entre préparation et stress, les entretiens d’embauche sont harassants et débouchent souvent sur rien de concret. Chez les jeunes, la grogne sociale est omniprésente et parfois une étincelle suffit pour qu’un conflit apparaisse et gagne une résonance nationale. Symptomatique de ce mal être le conflit récent entre les jeunes étudiantes et la direction de l’université féminine d’EWHA. La direction décide de mettre en place un cursus payant en formation continue qui s’adresserait à des salariés lors de cours du soir. Les étudiantes y voient un diplôme au rabais qui mettrait à mal le prestige de l’université ; les familles payent très cher les études de leurs filles à EWHA, sa renommée assure diplôme en poche une bonne situation. Le conflit a gagné en ampleur quand les anciennes élèves sont venues les soutenir. Lorsqu’il a fallu mobiliser 16 000 policiers pour mettre fin au sit-in, la direction a enterré le projet.

Les étudiantes d’EWHA manifestent masquées afin de ne pas être la cible de représailles (© Hankyoreh)

La situation est de plus en plus difficile pour ces jeunes diplômés. La solution pour sortir de ce marasme et d’échapper à une pression grandissante est de développer des projets innovants et de créer des start-up pour les porter. Le gouvernement a sauté sur l’aubaine et investit sans compter dans des nouveaux secteurs porteurs. La part du PIB consacrée à la R&D explose. Aujourd’hui en valeur relative la Corée du Sud est le pays au monde qui consacre le plus d’argent à la R&D, devançant Israël. L’environnement économique du pays est en pleine ébullition. Soutien à la recherche et aux transferts de technologies, locaux à loyer cassé, réforme des technoparks pour accueillir de jeunes sociétés, faciliter de financement ou financement à 100% des développements commerciaux. Les aides sont innombrables de la part du gouvernement et ils ne se passent pas un mois sans l’annonce d’un nouveau financement. Ces aides sont parfois concrètes comme se fut le cas pour le Salon de livre de Paris en 2016 où la Corée était invitée d’honneur. Dans le sillage de la délégation coréenne, une vingtaine de start-up travaillant dans l’édition numérique a suivi pour présenter leurs réalisations. Stand, billets d’avion et logement étaient pris en charge par le gouvernement.

Appelé « économie créative » par la présidente Park, le concept encore un peu flou il y a quelques années a pris forme avec l’ouverture de 18 centres à travers le pays dédiés à l’innovation et l’accompagnement des start-up. Le premier bilan est impressionnant : 1 135 start-up et 1 605 PME ont bénéficié du système d’aide. Ces start-up ont permis la création de 1300 postes et générées 129 millions d’€uros. Tout est fait pour faciliter la création de nouvelles entreprises et faciliter l’accès aux aides.

« Asian values »

L’innovation est au rendez-vous mais se heurte très souvent à une réalité culturelle omniprésente dans la société, le confucianisme. Au cours des années 90, lorsque on a essayé de comprendre la réussite de certains pays en Asie, a émergé un modèle asiatique basé sur des valeurs d’autorité et collectives en opposition au modèle occidental basé sur la liberté individuelle et les droits de l’homme.

Ce modèle puisant ses racines dans le modèle confucéen, repose sur quatre principes :

– une société harmonieuse,

– un bien être de la communauté partagé,

– la loyauté et respect envers les figures d’autorité

– une forte appétence pour le communautarisme et le collectif.

Après la crise financière de 1997 et l’effondrement économique de la Corée en autre, beaucoup remettent en cause ce modèle. Pourtant ces quatre principes à eux seuls sont une clef de compréhension rapide de la société coréenne. Le respect des figures d’autorité – le gouvernement, le maître, le père, le manager- est tel que les Coréens ne sont pas formés pour être autonomes et ne remettent jamais en cause la décision de leur supérieur hiérarchique. La structure hiérarchique est lourde avec un management omnipotent et omniscient ; le manager sait tout et est doté d’un pouvoir sans limite.

Cette caractéristique est un frein à l’innovation. Si les Coréens, surtout en situation de crise, savent se montrer créatifs, l’innovation vient défier la hiérarchie et est souvent tuée dans l’œuf.

Réinventer les modèles managériaux
KIM Hyun-seok, dirigeant de Bookpal (© Arnaud Vojinovic)
KIM Hyun-seok, dirigeant de Bookpal, jeune pousse de l’édition numérique

Les structures managériales ont conscience des défis qui les attendent. Samsung Electronics par exemple a su réformer son management en s’inspirant du management américain pour la gestion RH et la stratégie des business units et du management japonais pour ses chaînes de production mais ce modèle managérial a trouvé ses limites face à l’inertie d’une culture et d’une morale sociale confucéenne.

En définitive Samsung va préférer développer un immense incubateur dédié aux start-up que de trop se remettre en cause. Daejeon, ville phare de la recherche scientifique en Corée du Sud accueille cet immense campus qui participe aux réseaux des 18 centres dédiés à l’innovation.

C’est donc aux start-up de relever le défi de réformer le management coréen emprunt d’un confucianisme rigide. Et dans ce domaine, elles se montrent très innovantes. L’exemple pour tous qui prouve que tout est possible est JenniferSoft. Créée en 2005, la société d’une centaine de salariés a un management débridé. Des locaux spacieux et confortables, une cafétéria gratuite, une piscine ouverte pendant le temps de travail sont les services disponibles au nouveau siège social. Mais la recherche du bien être des salariés va plus loin puisque le temps de travail est limité à 35h par semaine, rarissime en Corée du Sud qui est champion en temps de travail annuel, et les vacances sont prises sans limite par les salariés.

Les créateurs de start-up n’hésitent plus à cultiver le succès de JenniferSoft. Les expériences sont nombreuses, la priorité est de casser le modèle hiérarchique et apprendre aux collaborateurs à être autonome, ce à quoi ne les a jamais préparés le modèle sociétal et le système scolaire.

Des salariés avec des surnoms pour s'affranchir d'une langue impactée par la morale confucéenne reflet de la subordination à l'autorité (© Arnaud Vojinovic)
Des salariés avec des surnoms pour s’affranchir d’une langue impactée par la morale confucéenne reflet de la subordination à l’autorité (© Arnaud Vojinovic)

Cette nouvelle génération de dirigeants est iconoclaste. Très présents sur les réseaux sociaux sans intermédiaire pour être en lien direct avec leurs clients, on les croise dans les transports en commun. Sans vouloir remettre en cause le modèle socioculturel confucéen, les expériences essayent de l’adapter aux besoins d’innovation et de créativité. Ici, au sein des équipes, une organisation en pôle projet d’équipe de 4 personnes sans lien hiérarchique entre eux. Ailleurs les employés sont obligés de prendre un surnom pour se garantir du rapport de subordination présent même dans la structure du langage (grand frère/petit frère, grande soeur/petite soeur). Dans une autre entreprise encore, une limitation drastique du temps de travail. Des recrutements collectifs ou encore des recrutements par cooptation mais celui qui a recruté peut être bloqué dans son évolution de carrière s’il s’est trompé etc…

Ces start-up et la multiplicité des expériences managériales dont elles sont le creuset montrent que la morale confucéenne est soluble dans la nouvelle économie et l’innovation. Le véritable défi est de pouvoir casser des structures hiérarchiques rigides.

La volonté de Samsung Electronics de ramener sa structure de management à 5 niveaux hiérarchiques sera-t-elle suffisante pour insuffler l’esprit « start-up » dans un groupe de 222 000 salariés ? La réponse est certainement négative. Mais le véritable enjeu est de savoir si ces start-up arriveront à insuffler leur dynamisme à l’ensemble de la société coréenne.

Samsung et LG révolutionnent leur approche du management

Les deux chaebols emblématiques de la réussite coréenne, face à la crise qu’ils traversent, remettent en question leurs modèles managériaux.

L’économie coréenne est dépendante de ces chaebols, mastodonte capitalistique d’origine familiale. En 2013 le chiffre d’affaires des cinq premiers chaebols représente 9,71% du PIB national. Samsung et ses 19 filiales avec un chiffre d’affaires de plus de 68 milliards de wons représente à lui seul 4,73% du PIB, LG avec 14 filiales 1,34%. Pourtant les deux groupes de renommer mondial n’échappent pas à la crise économique larvée qui malmène la Corée. Samsung avec un résultat en recul de 19% en 2015 est un des premiers touchés. De plus alors que le dirigeant, Lee Kun-hee est maintenu en coma artificiel depuis maintenant bientôt deux ans[1]Il est maintenu dans un coma artificiel depuis le 11 mai 2014., le fils héritier, Lee Jae-yong, est empêtré dans des manœuvrés pour restructurer le groupe afin d’en assurer le contrôle.

Face à ces nouveaux défis, Samsung et LG ont annoncé à une semaine d’intervalle leur volonté de réformer leur structure et leur modèle de management afin de mettre en place des organisations en place plus agiles et donc plus réactives pour répondre à un environnement changeant et fortement concurentiel.

Kim Hyun-seok de la division TV
Kim Hyun-seok de la division TV (© Samsung Electronics)

Samsung après avoir remanié son management en 2015, a décidé de dégraisser sa pyramide hiérarchique et d’en limiter les niveaux. Samsung Electronics est le fer de lance de cette nouvelle approche. Dans le but de favoriser une culture de l’innovation et un esprit « star-up », il n’existe plus que 5 niveaux hiérarchiques sous le PDG :

  • sawon (les jeunes diplômés),
  • daeri (assistant manager. 4 ans d’expériences),
  • gwajang (manager. 5 à 7 ans d’expériences),
  • chajang (adjoint du directeur d’une business unit),
  • et bujang (directeur d’une business unit. 10 ans ou plus d’expériences).

L’annonce a été faite par le management le mois dernier devant un parterre de 600 employés dans le centre de recherche R4 à Suwon. Le but est de mettre fin à une logique « top-down » et de favoriser une culture de l’efficience en accompagnant les salariés pour y arriver. Il en découle une politique RH basée plus sur les missions que sur les titres, un abandon des rapports obligatoires et parfois fantaisistes, l’arrêt des réunions inutiles et la mise en place d’une boite à idée à l’échelle du groupe via le portail MOSAIC. Afin de montrer l’implication des directeurs de division dans ce tournant managérial, les managers se sont pliés au jeu de l’empreinte. Il en est de même pour Lee Jae-yong, l’héritier du groupe et vice chairman de Samsung Eletronics, qui fait la promotion d’un style de management plus décontracté. Le premier geste fort à destination des employés est la revente de la flotte de jets privés, le management est maintenant prié de voyager sur les lignes commerciales.

Kwon Young-soo
Kwon Young-soo, PDG de LG U+ (© LG U+)

De son côté LG U+ (anciennement LG Telecom) s’est lancé fin mars 2016 dans une opération de communication auprès de ses 700 directeurs de point de vente. Lors d’un grand rassemblement dans la banlieue de Séoul, le premier depuis 2010, Kwon Young-soo a présenté à ses 700 directeurs et au management une nouvelle approche managériale afin de mettre fin à une structure corporate trop rigide et favoriser la communication dans le groupe. Appelée « low-key approach », cette nouvelle approche doit favoriser une culture basée sur deux modes de communication dont la capacité d’écoute qui doit prendre le pas sur celle de lire : savoir écouter plutôt que discourir. Cette rencontre qui mélangeait à la fois benchmark interne et encouragement avait entre pour but de mobiliser les troupes autour de cette nouvelle approche.

Afin de remercier ses équipes pour les efforts fournis alors que le marché est de plus en plus concurrentiel, le PDG Kwon Young-soo s’est plié à une séance de relassage de chaussures. Cette séance qui pourrait prêter à sourire n’est pas anodine car Kwon Young-soo est un pur produit LG. Il a remplacé l’ancien PDG de LG U+, Lee Sang-chul qui est destiné à prendre la tête du groupe. Kwon Young-soo a déjà réussi à hisser au top de leur secteur deux filiales : LG Display et LG Chem. Aujourd’hui le défit à relever est d’attaquer frontalement, en diversifiant l’offre, les deux leaders du secteur, KT et SK Telecom.

Notes

Notes
1 Il est maintenu dans un coma artificiel depuis le 11 mai 2014.

Pas si fous ces Coréens

Certains les considèrent comme « fous ». Travailleurs acharnés, buveurs sans limite, ils sont souvent qualifiés de workaholic. La rencontre du pays où on travaille le plus avec celui des 35h ne pouvait que produire des étincelles. Témoignage.

Ocsurdejtobre 2003. Eric Surdej se sent comme un pionnier lorsqu’il intègre les équipes de LG en France. La marque quasiment sans visibilité sur le marché français est ambitieuse pour son développement futur. Ancien directeur de Toshiba où il a passé dix ans, il sent le vent tourner au début des années deux milles et décide de parier sur la réussite des chaebols sur les marchés internationaux, ces grands conglomérats typiquement coréens. Dès le premier jour le choc culturel est intense. La culture latine portée par le nouveau DG français s’oppose à une culture militaire irritée de la guerre et du confucianisme côté coréen. Car lorsque LG s’implante en France, l’entreprise n’a nullement l’intention de s’adapter aux spécificités locales, bien au contraire c’est le modèle de travail coréen dans son ensemble qui est exporté. Et les grands groupes demandent beaucoup à leurs employés : des journées de travail incroyablement longues, des vacances réduites à leur minimum, une disponibilité immédiate quelles ques soient les circonstances et une soumission sans faille à la hiérarchie. Corvéable à merci, le salarié n’a pour seule philosophie que le dépassement de soi quitte à en mettre parfois sa santé en danger. Vite qualifié de « discutailleur contestataire », le salarié français dénote dans ce qui pourrait sembler comme un enfer sur terre.

Eric Surdej intègre l’entreprise dans une période propice. Tout d’abord LG ouvre pour la première fois ses postes de direction à des managers étrangers dont Surdej fera partie. Ensuite en France tout reste à construire ; le groupe vient de s’implanter, Goldstar devient LG, le marché est à conquérir. Pendant 8 ans alors qu’il gravit les échelons pour finir vice-président du groupe, Surdej vit à l’intérieur de cette machine de guerre redoutable qui se lance à la conquête du monde. Endoctrinement sectaire et entraînement militaire sont même au rendez-vous au cours de son parcours et de ses nombreux voyages en Corée. Mais la crise de 2008 marque profondément le conglomérat. La croissance n’est plus là et la direction décide de changer de politique en se recentrant sur sa spécificité coréenne. Première mesure, le Coréen devient la langue officielle du groupe au détriment de l’anglais. Par la suite, petit à petit, les directeurs généraux non coréens sont débarqués sans ménagement. Si Eric Surdej manque d’empathie vis-à-vis de ses collègues, s’intéresse peu à la culture coréenne, il laisse pourtant un témoignage unique en son genre sur les pratiques managériales des chaebols. Témoignage qui fait même écho en Corée avant même que la traduction du livre ne soit encore disponible[1]Une interview sur une des plus grandes chaines de télé SBS assure la notoriété de l’ouvrage : « 그들은 미쳤다, 한국인들 » et seules de très rares librairies le propose.

Pourtant le parti pris de l’auteur est biaisé. Au fil de la lecture de son ouvrage, plusieurs points sont ainsi source de questionnement.

Le livre traduit en coréen sera disponible en librairie à partir du 24 juillet.
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Le livre traduit en coréen est disponible en librairie depuis le 24 juillet.

Tout d’abord Eric Surdej généralise son expérience au sein de l’entreprise LG à l’ensemble des entreprises coréennes. Pourtant « ces Coréens » qu’il décrit sont loin d’être représentatifs d’une société coréenne en transformation où le sacrifice de soi aux bénéfices de la famille, de l’entreprise ou encore du pays cède petit à petit la place à l’accomplissement personnel. Ils sont beaucoup à porter un jugement sévère sur les entreprises telles que LG qui asservissent leurs salariés et maximisent l’exploitation de leurs sous-traitants. Au final les Coréens sont nombreux à fuir ces chaebols calqués sur des organisations militaires, préférant revêtir le costume d’entrepreneur à la tête d’une start-up dont le nombre explose depuis quelques années, voire même pour d’autres revenir à la terre et s’installer à la campagne.

Ensuite le manque d’empathie d’Eric Surdej – que l’on pourrait presque qualifier de désintérêt total – pour la culture coréenne est surprenant. Il l’avoue lui même : « Je connais finalement peu la Corée après avoir passé huit ans dans une de ses plus grosses firmes et m’être rendu pas moins de soixante-cinq fois aux pays du Matin Calme. » Un peu plus loin on peut lire : « (…) la Corée est habituée aux longs déplacements qui ne lui posent pas plus de problèmes à accomplir qu’à faire subir à ses visiteurs. » Cette dernière remarque est symptomatique d’un manque d’acculturation de notre dirigeant français. En effet, entre France et Corée, les perceptions du rapport temps/espace sont différentes. En Corée lorsque vous rendez visite à quelqu’un, le plus important n’est pas le temps que vous restez et consacrez à votre hôte, mais la distance parcourue donc le temps consacré au déplacement pour venir voir votre hôte. Que vous ne restiez que cinq minutes a en soi peu d’importance, l’important est le déplacement. Sur un autre registre, après huit ans à travailler avec des Coréens et de si nombreux voyages dans la péninsule, il est surprenant que l’auteur n’ait pas appris le coréen. Ce manque de motivation est à mettre en opposition avec Etienne Rolland-Piègue qui, lorsqu’il est nommé premier conseiller à l’Ambassade de France à Séoul en 2013, annonce qu’il a pour objectif d’atteindre, avant la fin de son service, le niveau 6 du TOPPIK [2]Test de langue coréenne (Test of Proficiency in Korean)., le niveau le plus élevé. Au final du point de vue des relations humaines, le livre se conclue sur un constat d’échec, « Je me suis fait aucun véritable ami chez LG. »

Cette charge contre la culture d’entreprise des chaebols s’apparente plus au divorce qu’à une description objective. Lors du procès, de façon étonnante, le mari éconduit appelle à la barre les Japonais à travers le management de Toshiba, management qui qualifie les Coréens de « personnes à l’esprit si étroitement militaire, des brutes, des paysans sans finesse, des obsédés du contrôle, et de surcroît méprisants envers la civilisation japonaise ». Ainsi l’auteur n’hésite pas à plusieurs reprises à comparer Japonais et Coréens. Par petites touches acides, il laisse transpirer l’image d’un Japonais idéalisé face à un Coréen « brut de décoffrage ».

De ce constat amer, il faut attendre la fin de l’ouvrage pour que l’auteur en tire matière à enseignement : « On ne passe jamais en force à travers un groupe humain ; il faut accepter son ADN pour endormir toute suspicion. La stratégie du cheval de Troie est seule capable de vaincre tous les obstacles. C’est elle qui vous installe au cœur du groupe, seul lieu d’où vous pouvez faire bouger les hommes. » Malheureusement c’est là commettre encore une grave erreur en voulant instrumentaliser la relation à l’autre alors que les deux qualités fondamentales recherchées par une entreprise coréenne chez un collaborateur sont la loyauté et la sincérité. Non pas une sincérité de parole mais une sincérité dans l’agir en sachant se montrer désintéressé, honnête et loyal ; ce qui se traduit en milieu professionnel par travailler dur et être prêt à tous les sacrifices pour réussir dans son travail.

L’auteur est devenu depuis « Consultant en développement de stades » [3]Les stades, les nouveaux espace de loisirs, BFMTV le 18 mai 2015.

Notes

Notes
1 Une interview sur une des plus grandes chaines de télé SBS assure la notoriété de l’ouvrage : « 그들은 미쳤다, 한국인들 »
2 Test de langue coréenne (Test of Proficiency in Korean).
3 Les stades, les nouveaux espace de loisirs, BFMTV le 18 mai 2015

La diversité des origines culturelles, un enjeu managérial

Lorsque des cultures différentes se rencontrent dans le cadre de l’entreprise, les gommer peut présenter un risque qui dans certains cas débouche sur un conflit social.

Le management interculturel n’est pas uniquement l’apanage des groupes internationaux. De l’entreprise de nettoyage industriel parisienne à la PME se développant à l’export, la confrontation de vision antagoniste construite sur ses propres référentiels culturels peut parfois être dommageable pour l’entreprise.

Le management interculturel essaye de prévenir ou de comprendre les crises latentes. Il a trois centres d’intérêt. Le premier est d’ordre stratégique quand il s’agit au sein de l’entreprise d’un développement international, le second touche la gestion des ressources humaines quand elle s’intéresse au recrutement ou l’expatriation dans un autre pays et en dernier lieu le management d’équipe multiculturelle sensu stricto.

Helena Karjalainen, professeure en management international à l’EM Normandie et Richard Sopranot, professeur en management stratégique à l’ESCEM ont mené un travail d’animation auprès d’une équipe de 17 personnes composées d’enseignants, de doctorants mais aussi d’opérationnels. Il en ressort un ouvrage regroupant une douzaine d’étude de cas abordé lors d’un atelier qui s’est tenu le 26 novembre 2009 à l’ESCEM sur le campus de Tours[1]Cas en management culturel sous la direction d’Helena Karjalainen et Richard Sopranot, Editions EMS 2011.. Chaque cas tiré de situation réelle est présenté selon un triptyque : contexte, enjeu, éléments de réponse.

Un des cas de l’ouvrage est à lui seul exemplaire sur les types de problèmes qui peuvent être rencontrés dans le management d’une équipe multiculturelle. Le cas Trenett présente une entreprise spécialisée dans le nettoyage industrielle qui intervient dans le métro parisien. Les équipes sont réparties sur 4 lignes de métro et comptent au total 268 personnes dont une forte proportion de travailleurs immigrés. La confrontation de plus de 7 nationalités différentes a débouché sur des incompréhensions quant aux attentes des salariés Incompréhensions qui se sont transformées en dysfonctionnement amenant l’entreprise au bord du conflit social. Les interviews menées à cette occasion ont permis de comprendre les attentes des opérationnels vis-à-vis de la hiérarchie selon les pays de provenance. Le travail de synthèse des échanges permet ainsi de faire des recommandations lors des prises de poste d’un nouveau responsable : Déléguer et contrôler, favoriser la formulation des critiques (ce qui n’est pas évident pour quelqu’un de français préférant rester dans le flou pour ne pas froisser son interlocuteur) et élaborer des procédures explicites.

Ce que nous apprennent ces cas très pratiques est que la rencontre en entreprise de cultures différentes demandent de la part du management, des équipes RH mais aussi des opérationnels, de réfléchir aux attentes des équipes et de la hiérarchie. En effet chaque culture à ses propres référentiels et grilles de lecture de ce qu’est un chef ou de ce que veut dire un objectif atteint. L’ignorer peut être un pari risqué pour une entreprise quelque soit sa taille et le contexte dans lequel elle opère.

Notes

Notes
1 Cas en management culturel sous la direction d’Helena Karjalainen et Richard Sopranot, Editions EMS 2011.