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Décryptage de la publicité du Samsung Chief Collection Family Hub 2017

Courant mars, Samsung Electronics a lancé sur le marché coréen un réfrigérateur connecté haut de gamme. Avec un prix de 10 millions de wons (8 820 USD), plus proche de celui d’une voiture que d’un réfrigérateur, la marque a peaufiné sa communication pour essayer de transformer l’intérêt des consommateurs en vente ferme.

Une opération marketing de 10 jours au cours du mois de mai a proposé aux internautes de tester en ligne les différentes fonctionnalités du réfrigérateur. Deux millions de participations confirment l’appétence du marché intérieur pour ce type de produit mais le positionnement haut de gamme est un frein majeur à l’achat. Si les différents spots publicitaires sont ciblés, le message reste le même : le Chief Collection Family Hub est un créateur de lien social dans une société coréenne moderne où la famille est en pleine mutation.

Dans le spot ci-dessous un couple rend visite aux beaux-parents. Tandis que la fille, l’épouse et la grand-mère sortent à l’extérieur, le gendre reste à la maison avec son beau-père.

Samsung Electronics propose une publicité où aucun détail n’est laissé de côté. Les codes utilisés jouent sur le fossé entre nouvelle et ancienne génération et demande un décryptage pour mieux comprendre le message.

formation interculturelle corée japon

Première image du spot qui résume l’histoire. On voit le beau-père et le gendre qui formeront enfin une vraie famille à la fin de l’histoire par l’intermédiation réussie du réfrigérateur.

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Le gendre et le beau-père ne communiquent pas. Le fossé des générations est tangible. Assis en tailleur comme dans une maison traditionnelle coréenne, le beau-père consomme du thé, boisson traditionnelle ; la théière est posée sur la table derrière lui. Assis sur un canapé, le mari boit un café. Cette boisson a conquis en une dizaine d’années les Coréens, détrônant thé et orge grillé. De même la tendance n’est plus de vivre au sol. S’oppose modernité et tradition.

En arrière plan, la bibliothèque imposante fait référence au lettré confucéen. Le beau-père est un homme instruit et surement un homme de pouvoir. Maintenant à la retraite, il se consacre à l’étude d’une position du jeu de go, appelé baduk en coréen. L’intérieur est chic et symbolise la relative opulence du couple retraité.

Vient l’heure du repas.

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Le beau-père n’a jamais cuisiné de sa vie. Sans femme, il est incapable de se faire à manger. Il décline donc l’invitation du gendre de se préparer à manger mais son estomac le trahit. Le gendre appartient à la nouvelle génération plus moderne qui participe aux tâches ménagères et aide leur épouse à élever les enfants. On note la calligraphie en caractère chinois accrochée au mur qui renforce l’aspect traditionnel de la maison.

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Le repas est prêt. Le plan de travail n’est pas rangé; il reste œufs, concombres et huile de sésame ayant servi à la préparation du plat. Le gendre a peu l’habitude de cuisiner mais grâce au Chief Collection Family Hub, le plat est une réussite. Le beau-père mange la bouche ouverte, le bruit de mastication est signe qu’il apprécie le plat. Les deux hommes ont enfin une activité commune; le beau-père parle au gendre. Le pari est gagné, le Chief Collection Family Hub remplit son contrat en créant du social dans la famille. Le spot se conclue par un message de l’épouse pour prévenir son mari qu’elles ont mangé à l’extérieur.

Le gendre symbole de la modernité convainc le beau-père de la voie à suivre. Si le beau-père est symbole de la tradition, il est surtout celui qui a les revenus suffisants pour s’offrir ce nouveau produit. C’est lui qui est ciblé.

Campagne publicitaire réussie. En juin, les ventes du réfrigérateur ont doublé.

En Corée du Sud, l’esprit start-up est-il compatible avec Confucius ?

Depuis la crise économique de 2008, la Corée du Sud n’arrive pas à relancer son économie. Les dernières difficultés des chantiers navals menacent de mettre le pays à genou. Afin d’éviter le pire, le pays tente de se réformer et d’investir dans des jeunes pousses pleines d’espoir.

Si en 1997, la Corée du Sud avait su rebondir lors la crise financière asiatique en investissant massivement dans les nouvelles technologies, aujourd’hui le pays se trouve au bord du gouffre. Avec une économie atone depuis 2008, des chaebols qui se font tirer l’oreille car ils n’embauchent plus, le pays va mal. Dernier coup dur, la crise traversée par les chantiers navals risquent de plonger le pays dans la récession.

Chaque année les universités déversent sur le marché du travail 630 000 nouveaux diplômés. Entre préparation et stress, les entretiens d’embauche sont harassants et débouchent souvent sur rien de concret. Chez les jeunes, la grogne sociale est omniprésente et parfois une étincelle suffit pour qu’un conflit apparaisse et gagne une résonance nationale. Symptomatique de ce mal être le conflit récent entre les jeunes étudiantes et la direction de l’université féminine d’EWHA. La direction décide de mettre en place un cursus payant en formation continue qui s’adresserait à des salariés lors de cours du soir. Les étudiantes y voient un diplôme au rabais qui mettrait à mal le prestige de l’université ; les familles payent très cher les études de leurs filles à EWHA, sa renommée assure diplôme en poche une bonne situation. Le conflit a gagné en ampleur quand les anciennes élèves sont venues les soutenir. Lorsqu’il a fallu mobiliser 16 000 policiers pour mettre fin au sit-in, la direction a enterré le projet.

Les étudiantes d’EWHA manifestent masquées afin de ne pas être la cible de représailles (© Hankyoreh)

La situation est de plus en plus difficile pour ces jeunes diplômés. La solution pour sortir de ce marasme et d’échapper à une pression grandissante est de développer des projets innovants et de créer des start-up pour les porter. Le gouvernement a sauté sur l’aubaine et investit sans compter dans des nouveaux secteurs porteurs. La part du PIB consacrée à la R&D explose. Aujourd’hui en valeur relative la Corée du Sud est le pays au monde qui consacre le plus d’argent à la R&D, devançant Israël. L’environnement économique du pays est en pleine ébullition. Soutien à la recherche et aux transferts de technologies, locaux à loyer cassé, réforme des technoparks pour accueillir de jeunes sociétés, faciliter de financement ou financement à 100% des développements commerciaux. Les aides sont innombrables de la part du gouvernement et ils ne se passent pas un mois sans l’annonce d’un nouveau financement. Ces aides sont parfois concrètes comme se fut le cas pour le Salon de livre de Paris en 2016 où la Corée était invitée d’honneur. Dans le sillage de la délégation coréenne, une vingtaine de start-up travaillant dans l’édition numérique a suivi pour présenter leurs réalisations. Stand, billets d’avion et logement étaient pris en charge par le gouvernement.

Appelé « économie créative » par la présidente Park, le concept encore un peu flou il y a quelques années a pris forme avec l’ouverture de 18 centres à travers le pays dédiés à l’innovation et l’accompagnement des start-up. Le premier bilan est impressionnant : 1 135 start-up et 1 605 PME ont bénéficié du système d’aide. Ces start-up ont permis la création de 1300 postes et générées 129 millions d’€uros. Tout est fait pour faciliter la création de nouvelles entreprises et faciliter l’accès aux aides.

« Asian values »

L’innovation est au rendez-vous mais se heurte très souvent à une réalité culturelle omniprésente dans la société, le confucianisme. Au cours des années 90, lorsque on a essayé de comprendre la réussite de certains pays en Asie, a émergé un modèle asiatique basé sur des valeurs d’autorité et collectives en opposition au modèle occidental basé sur la liberté individuelle et les droits de l’homme.

Ce modèle puisant ses racines dans le modèle confucéen, repose sur quatre principes :

– une société harmonieuse,

– un bien être de la communauté partagé,

– la loyauté et respect envers les figures d’autorité

– une forte appétence pour le communautarisme et le collectif.

Après la crise financière de 1997 et l’effondrement économique de la Corée en autre, beaucoup remettent en cause ce modèle. Pourtant ces quatre principes à eux seuls sont une clef de compréhension rapide de la société coréenne. Le respect des figures d’autorité – le gouvernement, le maître, le père, le manager- est tel que les Coréens ne sont pas formés pour être autonomes et ne remettent jamais en cause la décision de leur supérieur hiérarchique. La structure hiérarchique est lourde avec un management omnipotent et omniscient ; le manager sait tout et est doté d’un pouvoir sans limite.

Cette caractéristique est un frein à l’innovation. Si les Coréens, surtout en situation de crise, savent se montrer créatifs, l’innovation vient défier la hiérarchie et est souvent tuée dans l’œuf.

Réinventer les modèles managériaux
KIM Hyun-seok, dirigeant de Bookpal (© Arnaud Vojinovic)
KIM Hyun-seok, dirigeant de Bookpal, jeune pousse de l’édition numérique

Les structures managériales ont conscience des défis qui les attendent. Samsung Electronics par exemple a su réformer son management en s’inspirant du management américain pour la gestion RH et la stratégie des business units et du management japonais pour ses chaînes de production mais ce modèle managérial a trouvé ses limites face à l’inertie d’une culture et d’une morale sociale confucéenne.

En définitive Samsung va préférer développer un immense incubateur dédié aux start-up que de trop se remettre en cause. Daejeon, ville phare de la recherche scientifique en Corée du Sud accueille cet immense campus qui participe aux réseaux des 18 centres dédiés à l’innovation.

C’est donc aux start-up de relever le défi de réformer le management coréen emprunt d’un confucianisme rigide. Et dans ce domaine, elles se montrent très innovantes. L’exemple pour tous qui prouve que tout est possible est JenniferSoft. Créée en 2005, la société d’une centaine de salariés a un management débridé. Des locaux spacieux et confortables, une cafétéria gratuite, une piscine ouverte pendant le temps de travail sont les services disponibles au nouveau siège social. Mais la recherche du bien être des salariés va plus loin puisque le temps de travail est limité à 35h par semaine, rarissime en Corée du Sud qui est champion en temps de travail annuel, et les vacances sont prises sans limite par les salariés.

Les créateurs de start-up n’hésitent plus à cultiver le succès de JenniferSoft. Les expériences sont nombreuses, la priorité est de casser le modèle hiérarchique et apprendre aux collaborateurs à être autonome, ce à quoi ne les a jamais préparés le modèle sociétal et le système scolaire.

Des salariés avec des surnoms pour s'affranchir d'une langue impactée par la morale confucéenne reflet de la subordination à l'autorité (© Arnaud Vojinovic)
Des salariés avec des surnoms pour s’affranchir d’une langue impactée par la morale confucéenne reflet de la subordination à l’autorité (© Arnaud Vojinovic)

Cette nouvelle génération de dirigeants est iconoclaste. Très présents sur les réseaux sociaux sans intermédiaire pour être en lien direct avec leurs clients, on les croise dans les transports en commun. Sans vouloir remettre en cause le modèle socioculturel confucéen, les expériences essayent de l’adapter aux besoins d’innovation et de créativité. Ici, au sein des équipes, une organisation en pôle projet d’équipe de 4 personnes sans lien hiérarchique entre eux. Ailleurs les employés sont obligés de prendre un surnom pour se garantir du rapport de subordination présent même dans la structure du langage (grand frère/petit frère, grande soeur/petite soeur). Dans une autre entreprise encore, une limitation drastique du temps de travail. Des recrutements collectifs ou encore des recrutements par cooptation mais celui qui a recruté peut être bloqué dans son évolution de carrière s’il s’est trompé etc…

Ces start-up et la multiplicité des expériences managériales dont elles sont le creuset montrent que la morale confucéenne est soluble dans la nouvelle économie et l’innovation. Le véritable défi est de pouvoir casser des structures hiérarchiques rigides.

La volonté de Samsung Electronics de ramener sa structure de management à 5 niveaux hiérarchiques sera-t-elle suffisante pour insuffler l’esprit « start-up » dans un groupe de 222 000 salariés ? La réponse est certainement négative. Mais le véritable enjeu est de savoir si ces start-up arriveront à insuffler leur dynamisme à l’ensemble de la société coréenne.

Samsung et LG révolutionnent leur approche du management

Les deux chaebols emblématiques de la réussite coréenne, face à la crise qu’ils traversent, remettent en question leurs modèles managériaux.

L’économie coréenne est dépendante de ces chaebols, mastodonte capitalistique d’origine familiale. En 2013 le chiffre d’affaires des cinq premiers chaebols représente 9,71% du PIB national. Samsung et ses 19 filiales avec un chiffre d’affaires de plus de 68 milliards de wons représente à lui seul 4,73% du PIB, LG avec 14 filiales 1,34%. Pourtant les deux groupes de renommer mondial n’échappent pas à la crise économique larvée qui malmène la Corée. Samsung avec un résultat en recul de 19% en 2015 est un des premiers touchés. De plus alors que le dirigeant, Lee Kun-hee est maintenu en coma artificiel depuis maintenant bientôt deux ans[1]Il est maintenu dans un coma artificiel depuis le 11 mai 2014., le fils héritier, Lee Jae-yong, est empêtré dans des manœuvrés pour restructurer le groupe afin d’en assurer le contrôle.

Face à ces nouveaux défis, Samsung et LG ont annoncé à une semaine d’intervalle leur volonté de réformer leur structure et leur modèle de management afin de mettre en place des organisations en place plus agiles et donc plus réactives pour répondre à un environnement changeant et fortement concurentiel.

Kim Hyun-seok de la division TV
Kim Hyun-seok de la division TV (© Samsung Electronics)

Samsung après avoir remanié son management en 2015, a décidé de dégraisser sa pyramide hiérarchique et d’en limiter les niveaux. Samsung Electronics est le fer de lance de cette nouvelle approche. Dans le but de favoriser une culture de l’innovation et un esprit « star-up », il n’existe plus que 5 niveaux hiérarchiques sous le PDG :

  • sawon (les jeunes diplômés),
  • daeri (assistant manager. 4 ans d’expériences),
  • gwajang (manager. 5 à 7 ans d’expériences),
  • chajang (adjoint du directeur d’une business unit),
  • et bujang (directeur d’une business unit. 10 ans ou plus d’expériences).

L’annonce a été faite par le management le mois dernier devant un parterre de 600 employés dans le centre de recherche R4 à Suwon. Le but est de mettre fin à une logique « top-down » et de favoriser une culture de l’efficience en accompagnant les salariés pour y arriver. Il en découle une politique RH basée plus sur les missions que sur les titres, un abandon des rapports obligatoires et parfois fantaisistes, l’arrêt des réunions inutiles et la mise en place d’une boite à idée à l’échelle du groupe via le portail MOSAIC. Afin de montrer l’implication des directeurs de division dans ce tournant managérial, les managers se sont pliés au jeu de l’empreinte. Il en est de même pour Lee Jae-yong, l’héritier du groupe et vice chairman de Samsung Eletronics, qui fait la promotion d’un style de management plus décontracté. Le premier geste fort à destination des employés est la revente de la flotte de jets privés, le management est maintenant prié de voyager sur les lignes commerciales.

Kwon Young-soo
Kwon Young-soo, PDG de LG U+ (© LG U+)

De son côté LG U+ (anciennement LG Telecom) s’est lancé fin mars 2016 dans une opération de communication auprès de ses 700 directeurs de point de vente. Lors d’un grand rassemblement dans la banlieue de Séoul, le premier depuis 2010, Kwon Young-soo a présenté à ses 700 directeurs et au management une nouvelle approche managériale afin de mettre fin à une structure corporate trop rigide et favoriser la communication dans le groupe. Appelée « low-key approach », cette nouvelle approche doit favoriser une culture basée sur deux modes de communication dont la capacité d’écoute qui doit prendre le pas sur celle de lire : savoir écouter plutôt que discourir. Cette rencontre qui mélangeait à la fois benchmark interne et encouragement avait entre pour but de mobiliser les troupes autour de cette nouvelle approche.

Afin de remercier ses équipes pour les efforts fournis alors que le marché est de plus en plus concurrentiel, le PDG Kwon Young-soo s’est plié à une séance de relassage de chaussures. Cette séance qui pourrait prêter à sourire n’est pas anodine car Kwon Young-soo est un pur produit LG. Il a remplacé l’ancien PDG de LG U+, Lee Sang-chul qui est destiné à prendre la tête du groupe. Kwon Young-soo a déjà réussi à hisser au top de leur secteur deux filiales : LG Display et LG Chem. Aujourd’hui le défit à relever est d’attaquer frontalement, en diversifiant l’offre, les deux leaders du secteur, KT et SK Telecom.

Notes

Notes
1 Il est maintenu dans un coma artificiel depuis le 11 mai 2014.